La chronique Facebook : " Papa, viens voir l'Arc "
 Pardon  Papa, je m'y suis mal pris. Tu te souviens mardi, dans la voiture,  quand je t'ai vanté les partants de l'Arc ? Je ne t'ai pas senti très  réceptif. La preuve même, je ne t'ai pas convaincu de nous y rejoindre  dimanche. Et pourtant, c'est bien toi qui m'a amené à mes deux premiers  Arc ! Souviens-toi. Une après-midi à l'hippodrome de Cholet, nous étions les derniers à attendre JMB à la sortie des  vestiaires, mêlant le stress et la joie à l'impatience du moment.  Heureuse, je posais avec cet infatigable maître du trotteur pour  immortaliser cette brève et timide rencontre en un précieux cliché  numérique. Instant de rêve ! Et puis tu m'as avoué qu'il n'y avait pas  eu de photo. Tragique fin de batterie. Alors, inconsolable durant des  jours, j'ai reçu une lettre de ta part :
Pardon  Papa, je m'y suis mal pris. Tu te souviens mardi, dans la voiture,  quand je t'ai vanté les partants de l'Arc ? Je ne t'ai pas senti très  réceptif. La preuve même, je ne t'ai pas convaincu de nous y rejoindre  dimanche. Et pourtant, c'est bien toi qui m'a amené à mes deux premiers  Arc ! Souviens-toi. Une après-midi à l'hippodrome de Cholet, nous étions les derniers à attendre JMB à la sortie des  vestiaires, mêlant le stress et la joie à l'impatience du moment.  Heureuse, je posais avec cet infatigable maître du trotteur pour  immortaliser cette brève et timide rencontre en un précieux cliché  numérique. Instant de rêve ! Et puis tu m'as avoué qu'il n'y avait pas  eu de photo. Tragique fin de batterie. Alors, inconsolable durant des  jours, j'ai reçu une lettre de ta part :
Une carte d'invitation bleue signée de ta plume, et deux entrées au Prix de l'Arc de Triomphe Lucien Barrière 2006.
Tu m'as donc offert mon premier jour de rêve.
J'y ai vu Rail Link, l'efficace trois ans d'André Fabre, pulvériser les  rêves variés de chacun pour assouvir ses propres désirs de bonheur. Il  laissait derrière lui l'incroyable Pride, véritable Catwoman du galop,  jolie baie au corps sculpté à l'effigie d'Aphrodite, douce mais  déterminée. Hurricane Run, ma première idole, à la conquête d'un  légendaire doublé. Bien qu'échouant à sa tâche laborieuse, il avait le  mérite de s'y être frotté, lui. Et il en avait assurément les capacités,  ce que l'on ne pourrait affirmer chaque année. Ces accessits étaient  des défaites, mais surtout des moments de joie. Pour Deep Impact,  terminant alors 3e, c'était différent. Magnifique étalon  japonais, il avait amené dans ses valises tout un peuple vibrant avec  lui, et pour sa quête de l'immortalité. L'épreuve semblait surmontable,  des millions de japonais lui accordaient leur confiance. L'arrivée au  poteau fut un moment tragique.
Mais dans les courses, on rebondit !
Papa, ce Deep Impact que tu as vu pleurer à la hanche de Rail Link il y  a sept ans, il est de retour cette année ! Et son peuple aussi !
Voilà donc notre premier partant. Kizuna, un joli garçon à la robe  sombre. Seulement trois ans mais déjà bien loin de sa terre natale, pour  quelques semaines seulement, pour deux tours de piste officiels qui  pourraient lui apporter la gloire. Au Japon, Kizuna est le meilleur de  sa génération. Il a remporté le derby japonais, le Tokyo Yushun, dans un  style formidable. Une vingtaine de jeunes pur-sangs lancés dans la  bataille dès l'entrée du dernier tournant, et cinq-cents mètres de lutte  où tous livreront jusqu'à leur dernière goutte de sueur. Tandis qu'une  poignée se disputaient encore la victoire avec rage, le mirage du poteau  devenant alors une réalité envisageable, Kizuna était encore loin de  leur faire peur. Mais de ses foulées sûres, cadencées et volontaires, le  poulain, fils de Deep Impact, remonta ses concurrents un à un, en digne  héritier de son père. L'impossible course contre le temps devenant  alors qu'une simple démonstration de son talent.
J'entends déjà tes doutes, Papa : " Les courses japonaises diffèrent des nôtres. La concurrence aussi. Comment comparer l'animal à ses contemporains européens ? "
Mais c'est qu'il l'a fait, Papa ! Et pas qu'un peu ! 
Dans le le Qatar Prix Niel, Kizuna a, dans un canter, essuyé son nez  sur la ligne finale de Longchamp. Bien en dessous de la forme de sa vie,  il a pourtant remporté la course face à quelques champions d'Europe, se  montrant à l'aise sur le mythique tracé de la grande course. Dans des  foulées longues et détendues, tel le fantôme d'un Sagamix dans la grande  course. Et si cette année l'Arc devenait le théâtre d'une vengeance  pacifique ? Pas de sang, ni de peur. Juste l'éventualité de milliers de  japonais explosant leur joie dans les tribunes, les faisant trembler à  leur en rappeler leurs douces et jeunes années.
Pas convaincu ? Je continue.
A un souffle de ce cher Kizuna, Ruler Of The World effectuait une  magnifique remontée. Frère de Duke Of Marmalade, célébrissime athlète  aux cinq groupes I consécutifs, il a remporté au début des beaux jours  de l'été le Derby d'Epsom, course dont la notoriété et le prestige n'ont  rien à envier à notre cher Prix de l'Arc de Triomphe. Chaque année, le  derby nous catapulte un champion. Et si finalement Ruler Of The World en  était un ? Je dis bien : finalement. Oui, car exceptionnellement,  le poulain aux affreuses peaux-de-moutons marrons, est totalement passé à  la trappe, sans susciter le moindre émoi ou quelconques signes  admiratifs.
C'est qu'on vit une année bien particulière, Papa !
Figure-toi que la course fut la scène du suicide de l'annoncé crack Dawn  Approach. Sachant que ce gros bébé alezan ne tiendrait pas la distance  classique, l'entraîneur légendaire Aidan O'Brien a engagé dans la course  une poignée de ses talentueux soldats, dont la mission était de le  faire souffrir. Postés stratégiquement, les mousquetaires menaient la  course selon l'attitude du champion qui vécu les pires instants de sa  vie. Énervé par le faux-train, tirant sur les rênes comme pour s'en  extirper enfin, il avait tenté la fuite dans un sursaut désespéré. Mais  il fut contré, encore et encore. Ruler Of The World, qui avait eu la  chance de ne jouer qu'un rôle secondaire dans cette tragique pièce de  Shakespeare, remportait la course dans un coup de rein passé sous  silence, et Dawn Approach tirait la langue, loin, très loin de sa place  habituelle.
T'en veux encore ? Voici Novellist.
Âgé de  quatre ans, Novellist fut second de son derby l'année passée, se  rattrapant dans l'équivalent italien. La robe charbonneuse, il est beau  et musculeux. Sa tête est compacte, aux traits signés de son père  Monsun. Cette année, il a fait le show. Il nous a subtilisé le Grand  Prix de Saint-Cloud puis a pulvérisé les anglais dans leurs célèbres  King George VI And Queen Elizabeth Stakes. Il revient doucement à son  plus haut niveau, se préparant à l'Arc dans le Grosser Preis Von Baden  qu'il a aisément remporté.
Sa particularité à lui, c'est d'être allemand. Et c'est bien connu, ce ne sont pas au quotidien les plus effrayants.  Oui, mais Danedream, alors ? Elle était bien allemande, et pourtant elle  nous a massacré le haut gratin dans une envolée record dans l'édition  2011 de l'Arc. Et à l'été 2012, elle aussi devançait les anglais chez  eux. Novellist est un poulain à prendre au sérieux. Il en a dans le  ventre. Ne démentiront pas les quelques longueurs séparant cet allemand  déchaîné et tenace à Trading Leather, futur vainqueur du derby  irlandais.
Pire ou génialement mieux !
Puisqu'on semble abonné aux derbies cette année, je  vais en ajouter un. Le derby français. Le controversé Prix du  Jockey-Club. Depuis qu'il s'est abandonné aux intermédiaires 2100 m, il  ne brille plus du même éclat. Et a brisé sa propre légende. On ne sait  plus quoi faire de nos champions. Tous s'y tente, peu importe leur  supposé tenue. Les milers rallongés y goûtent avec délice, et  disparaissent loin, très loin des 2400 m du mythique Prix de l'Arc de  Triomphe. Cette année, c'est même pire ! Ou génialement mieux. Intello  nous le dira.
Car le poulain Wertheimer a remporté le prix du  Jockey-Club avec brio. Mais aussitôt, il nous a fait douter de notre  championnat. Avait-il la distance classique dans les jambes ?  Malheureusement, rien de probant. Et André Fabre, seul élément rassurant  dans l'affaire, prit un malin plaisir à entretenir le mystère, ajustant  son poulain et exploitant ses talents à travers les ombres matinales.  Alors Intello a plongé vers le Mile et s'est tenté dans le génial Prix  Jacques le Marois. Et il a terminé troisième. Loin des cracks de la  distance. Champion déchu ou course révélatrice ? Et si son  épanouissement passait finalement par les longues galopades ? Son  avantage à lui, c'est d'être le reflet du savoir-faire français. De la  casaque Wertheimer aujourd'hui plus que jamais admirée, de la poigne du  fabuleux entraîneur André Fabre, dont l'étincelle ne permet pas le  doute.
Accompagnant tous ces champions, et grossissant le  peloton de multiples talents, les dévoués Wild Coco, Very Nice Name,  Trading Leather, The Fugue, Ocovango, Méandre notamment seront  probablement partants. Certains rêvent de leur premier Gr.1,  d'autres de confirmer leurs instants suprêmes, la gloire ou même une  renaissance.
La pression repose sur Flintshire, assurance sur la  distance. Il perd toute crédibilité s'il n'est pas mis en lumière sous  un soleil de Juillet. Et ne sera peut-être qu'un doux souvenir déchu. Al Kazeem est fatigué. Mais il a effectué un magnifique début d'année.  Il ne faut jamais sous estimer un anglais mûr et déterminé. Car mieux  que les autres ils savent se relever.
Alors Papa, tu réserves ton Week-end ? Toujours pas ?
Pas grave, j'ai pas fini. Ce devait être une surprise mais tu ne me laisse pas le choix. Tant pis pour toi !
Je ne voulais pas te parler de Trêve.
Je ne voulais pas te parler d'Orfèvre.
Car ils sont une évidence. Des cracks. Au dessus du talent partagé de leurs concurrents.
La première nommée à remporter le Prix de Diane et le Prix Vermeille.  Elle est invaincue. Son envolée dans le championnat des chapeaux restera  à jamais dans la légende. Pour son record pulvérisé de deux secondes.  Pour son efficace coup de rein dans le Vermeille. Elle semble capable de  tout. Même de rejoindre au poteau la déjà légende japonaise Orfèvre qui  se serait adroitement échappé de la mêlée.
Car Orfèvre sera là.  Chaque centimètres de ses tissus seront rassemblés dans le seul but de  ramener le saint Graal au pays. Grand monstre alezan à la tête de  Ptérodactyle, Orfèvre c'est quelque chose. Son accélération n'a pas de  pareil actuellement. Mais il est fou. Indomptable révolté ou peureux  facilement impressionné, peu importe. Il vit les courses comme des  épreuves parfois tragiques, et s'abandonne à l’insensé. Sur le sang à  son paroxysme. Il s'est écrasé contre la lice à cinq mètres du titre  légendaire il y a de ça un an. Et si Trêve se faisait Solémia ?
Il est là tout l'intérêt de cet Arc 2013. Quoi qu'il arrive, un  champion posera son sabot en une trace indélébile. Et il complétera sa  légende. Balayant pour une année encore les rêves de tous les autres.
Alors Papa ?
Parfois je désespère de ne jamais transmettre ma passion. Mais au moins, tu ne pourras pas dire que tu n'étais pas au courant. Je ne te convaincs peut-être pas, mais je suis satisfaite, j'ai essayé !

 
		